Flaubert – La Tentation de saint Antoine - Commentaire composé -

 Flaubert – La Tentation de saint Antoine - Commentaire composé - 

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Niveau: BaccalauréatPages: 10


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 Flaubert – La Tentation de saint Antoine - Commentaire composé - 

« Mais si tu savais ce que j’ai dans ma petite boîte !

Retourne-la ! Tâche de l’ouvrir ! Personne n’y parviendrait. Embrasse-moi, je te le dirai.

Elle prend saint Antoine par les deux joues ; il la repousse à bras tendus.

 

C'était une nuit que le roi Salomon perdait la tête. Enfin nous conclûmes un marché. Il se leva, et sortant à pas de loup...

 

Elle fait une pirouette.

 

Ah ! ah ! bel ermite ! tu ne le sauras pas ! tu ne le sauras pas !

 

Elle secoue son parasol, dont toutes les clochettes tintent.

 

Et j'ai bien d'autres choses encore, va ! J'ai des trésors enfermés dans des galeries où l'on se perd comme dans un bois. J'ai des palais d'été en treillage de roseaux, et des palais d'hiver en marbre noir. Au milieu de lacs grands comme des mers, j'ai des îles rondes comme des pièces d'argent, toutes couvertes de nacre, et dont les rivages font de la musique, au battement des flots tièdes qui se roulent sur le sable. Les esclaves de mes cuisines prennent des oiseaux dans mes volières, et pèchent le poisson dans mes viviers. J'ai des graveurs continuellement assis pour creuser mon portrait sur des pierres dures, des fondeurs haletants qui coulent mes statues, des parfumeurs qui mêlent le suc des plantes à des vinaigres et battent des pâtes. J'ai des couturières qui me coupent des étoffes, des orfèvres qui me travaillent des bijoux, des coiffeuses qui sont à me chercher des coiffures, et des peintres attentifs, versant sur mes lambris des résines bouillantes, qu'ils refroidissent avec des éventails. J'ai des suivantes de quoi faire un harem, des eunuques de quoi faire une armée. J'ai des armées, j'ai des peuples ! J'ai dans mon vestibule une garde de nains portant sur le dos des trompes d'ivoire.

 

Antoine soupire.

 

J'ai des attelages de gazelles, des quadriges d'éléphants, des couples de chameaux par centaines, et des cavales à crinière si longue que leurs pieds y entrent quand elles galopent, et des troupeaux à cornes si larges que l'on abat les bois devant eux quand ils pâturent. J'ai des girafes qui se promènent dans mes jardins, et qui avancent leur tête sur le bord de mon toit, quand je prends l'air après dîner.

 

Assise dans une coquille, et traînée par les dauphins, je me promène dans les grottes écoutant tomber l'eau des stalactites. Je vais au pays des diamants, où les magiciens mes amis me laissent choisir les plus beaux ; puis je remonte sur la terre, et je rentre chez moi.

 

 

Elle pousse un sifflement aigu ; - et un grand oiseau, qui descend du ciel, vient s'abattre sur le sommet de sa chevelure, dont il fait tomber la poudre bleue.

Son plumage, de couleur orange, semble composé d'écailles métalliques. Sa petite tête, garnie d'une huppe d'argent, représente un visage humain. Il a quatre ailes, des pattes de vautour, et une immense queue de paon, qu'il étale en rond derrière lui.

Il saisit dans son bec le parasol de la Reine, chancelle un peu avant de prendre son aplomb, puis hérisse toutes ses plumes, et demeure immobile.

 

Merci, beau Simorg-anka ! toi qui m'as appris où se cachait l'amoureux ! Merci ! merci ! messager de mon cœur !

 

Il vole comme le désir. Il fait le tour du monde dans sa journée. Le soir, il revient ; il se pose au pied de ma couche ; il me raconte ce qu'il a vu, les mers qui ont passé sous lui avec les poissons et les navires, les grands déserts vides qu'il a contemplés du haut des cieux, et toutes les moissons qui se courbaient dans la campagne, et les plantes qui poussaient sur le mur des villes abandonnées.

 

Elle tord ses bras, langoureusement.

 

Oh ! si tu voulais, si tu voulais !... J'ai un pavillon sur un promontoire au milieu d'un isthme, entre deux océans. Il est lambrissé de plaques de verre, parqueté d'écailles de tortue, et s'ouvre aux quatre vents du ciel. D'en haut, je vois revenir mes flottes et les peuples qui montent la colline avec des fardeaux sur l'épaule. Nous dormirions sur des duvets plus mous que des nuées, nous boirions des boissons froides dans des écorces de fruits, et nous regarderions le soleil à travers des émeraudes ! Viens !...

 

Antoine se recule. Elle se rapproche ; et d'un ton irrité :

 

Comment ? ni riche, ni coquette, ni amoureuse ? ce n'est pas tout cela qu'il te faut, hein ? mais lascive, grasse, avec une voix rauque, la chevelure couleur de feu et des chairs rebondissantes. Préfères-tu un corps froid comme la peau des serpents, ou bien de grands yeux noirs, plus sombres que les cavernes mystiques ? regarde-les, mes yeux !

 

Antoine, malgré lui, les regarde.

 

Toutes celles que tu as rencontrées, depuis la fille des carrefours chantant sous sa lanterne jusqu'à la patricienne effeuillant des roses du haut de sa litière, toutes les formes entrevues, toutes les imaginations de ton désir, demande-les ! Je ne suis pas une femme, je suis un monde. Mes vêtements n'ont qu'à tomber, et tu découvriras sur ma personne une succession de mystères !

 

Antoine claque des dents.

 

Si tu posais ton doigt sur mon épaule, ce serait comme une traînée de feu dans tes veines. La possession de la moindre place de mon corps t'emplira d'une joie plus véhémente que la conquête d'un empire. Avance tes lèvres ! mes baisers ont le goût d'un fruit qui se fondrait dans ton cœur ! Ah ! comme tu vas te perdre sous mes cheveux, humer ma poitrine, t'ébahir de mes membres, et brûlé par mes prunelles, entre mes bras, dans un tourbillon...

 

Antoine fait un signe de croix.

 

Tu me dédaignes ! adieu !

 

Elle s'éloigne en pleurant, puis se retourne :

 

Bien sûr ? une femme si belle !

 

Elle rit, et le singe qui tient le bas de sa robe, la soulève.

 

Tu te repentiras, bel ermite, tu gémiras ! tu t'ennuieras ! mais je m'en moque ! la ! la ! la ! oh ! oh ! oh ! »

 

L’année 1857 est une année importante pout Flaubert : il publie « Madame Bovary » et la deuxième version de « La Tentation de Saint Antoine » est lue en public. C’est le procès pour atteintes aux bonnes mœurs qui assure le succès du roman. Quant à « La Tentation de Saint Antoine », elle fut sévèrement critiquée par Louis Bouilhet et Maxime Du Camp qui la jugèrent «  manquée » et la déclarèrent « impubliable ».

L’œuvre s’ouvre en effet sur un monologue de saint Antoine qui se plaint de la solitude et de l’ennui dus à sa condition d’ermite. Alors qu’il est absorbé par la lecture du « Livre des Apôtres », des visions voluptueuses l’assaillent. L’extrait proposé fait apparaître la reine de Saba qui essaie de le séduire, mais qu’il repousse.



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