« LA CHUTE » D'ALBERT CAMUS Qu’apportent les choix formels à l'expression des idées philosophiques ?

« LA CHUTE » D'ALBERT CAMUS
Qu’apportent les choix formels à l'expression des idées philosophiques ?

La Chute trouve son origine dans la polémique violente qui, en août 1952, oppose Camus et Sartre, et a d'abord été conçue comme un pamphlet contre l'existentialisme. C'est ainsi que, en qualifiant les existentialistes de « juges-pénitents », Camus livre une des clefs du personnage de Clamence. La portée de La Chute ne saurait néanmoins être réduite à la seule intention polémique ; il est clair, au contraire, que Camus y explore une dernière fois les grandes interrogations philosophiques qui parcourent l'ensemble de ses oeuvres.
Pour exprimer cette double dimension polémique et philosophique, le choix de l'essai aurait pu s'imposer à Camus, comme ce fut le cas pour le Mythe de Sisyphe, selon lui son « seul livre d'idées », dirigé déjà « contre les philosophes dits existentialistes ». Pourtant, Camus choisit le « récit ». Cette dénomination relativement floue recouvre dans le cas de la Chute une forme très typée, inspirée, selon l'écrivain lui-même, du genre théâtral. Ce choix formel est d'autant plus significatif que Camus déclare avoir « adapté la forme au fond ». Nous nous attacherons à montrer ce qu'apportent les choix formels aux idées philosophiques exprimées : après un bref aperçu d'ensemble du contenu philosophique de la Chute,
nous verrons comment Camus inscrit ce contenu dans le récit de fiction, puis nous étudierons comment les choix formels servent l'expression des idées et orientent leur interprétation.